Pourquoi des entreprises fictives avec de faux employés ? [chômage]

LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE – Le chômage de longue durée a atteint des records l’année dernière dans la zone euro. Selon Eurostat 52,6 % des chômeurs l’étaient depuis au moins un an en 2014. En attendant de retrouver un véritable emploi, des emplois factices peuvent aider les chômeurs de longue durée à se réinsérer dans la vie professionnelle. Un concept, pas si récent que çà, mais qui semble fonctionner.

Trop de chômeurs en longue durée

Même si en France le chômage de longue durée est moins préoccupant qu’en Grèce ou qu’en Italie où les taux de chômage de longue durée ont respectivement atteint 73% et 61 % en 2014, les chiffres ne sont pas des plus réjouissants. L’année dernière, la part de chômeurs de longue durée en France a frôlé les 43% du total des chômeurs, du jamais vu depuis les deux dernières décennies. Plus de 4 chômeurs sur 10 en France seraient donc au chômage depuis 12 mois ou plus.

Et pour celles ou ceux qui auraient l’opportunité de retrouver un emploi, les résultats de la dernière enquête de Pôle emploi « besoins en main d’oeuvre » d’avril 2015, loin d’être catastrophiques,  ne sont pas pour autant très rassurants. Presque 2/3 des prévisions d’emplois pour 2015 ne seraient que des CDD. Un paradoxe intéressant avec le fait que 64% des entreprises estiment pourtant avoir des difficultés de recrutement et que des centaines de milliers de postes à pourvoir, à cause du manque d’intérêt qu’ils suscitent, sont « boudés » par les candidats.

Des contrats plus ou moins précaires liés aux necessités de réduction des coûts des entreprises depuis le début de la crise économique.

Un écart important avec les Etats-Unis

Si les chiffres du chômage de longue durée en Europe sont inquiétants, à l’inverse les Etats-Unis affichent des résultats plus qu’honorables. Après avoir connu un coup dur en 2010, contrairement à l’Europe la proportion de chômeurs de longue durée ne cesse de baisser. Après avoir atteint 31,6% en 2010, en 2014 le nombre de chômeurs de longue durée aux Etats-Unis est revenu à 22,6% en 2014 comme le montre cette étude américaine du « bureau of Labor statistics ».

Un chômage qui entraîne l’exclusion

Stefano Scarpetta le directeur adjoint de l’Organisation de coopération et de développement économiques interrogé expose le problème soulevé par le chômage de longue durée dans le New York Times :  » au fur et à mesure, leurs compétences commencent à devenir obsolètes, ils sont stigmatisés. Ils risquent de plus en plus d’être déconnectés du marché de l’emploi et de la société, avec tout ce que cela implique de négatif dans leurs rapports avec leur famille, pour eux, pour leurs proches, pour l’économie tout entière »

Le New York Times relate aussi l’histoire de cette employée, heureuse d’intégrer l’entreprise Candelia, une société de ventes de fournitures :  » quand on cherche pendant longtemps et que l’on ne trouve rien, c’est vraiment très dur, il y a de quoi déprimer… on commence à se questionner sur ses réelles capacités. A un moment, on commence même à ne plus voir la fin du tunnel » .

Une des solutions : les Entreprises d’entraînement ou EEP

Faire comme s’ils avaient un vrai emploi….

De grands bureaux, des ordinateurs, une photocopieuse qui tourne toute la journée, des appels de clients passant des commandes. Dans ces structures tout fait penser à une vraie entreprise avec de vrais employés et pourtant, tout est fictif. Chacune d’entre elles a une activité qui lui est propre : la porcelaine, le textile, les cosmétiques, la vente de fournitures de bureaux ou de nourriture pour chiens. Il s’agit d’Animal Kingdom, de Prestige cosmetique, d’Artlim, de Candelia… la liste est longue puisqu’on dénombre plus de 5000 de ces strucutres imaginaires à travers le monde entier parmi 42 pays.

Dans ces entreprises vous verrez des gens travailler, faire de la comptabilité, rédiger des études, faire des photocopies, passer des commandes et pourtant…tout est imaginaire ! Développé en Allemagne dans les années 70, les Entreprises d’entraînement dites EE ou Entreprises d’entrainement pédagogiques, les EEP, sont des structures qui permettent aux chômeurs de se replonger dans le monde de l’emploi. Comme dans une entreprise classique, l’employé dispose de bureaux, et se voit attribuer une ou plusieurs missions à effectuer. Tout fonctionne comme dans une entreprise réelle et pourtant tout est imaginaire.

ci-dessus, l’EEP de Thueyts accueillant des stagiaires pour s’entraîner dans des conditions reelles

Une centaine d’Entreprises d’entraînement existent en France et  fonctionnent au sein d’un réseau national, le REEP EUROENT’ENT. Dans Jeune Dirigeant N°108, le directeur du réseau national Pierre Troton explique que ces structures permettent aux personnes sans emploi de reprendre confiance en eux :  « Garder cette habitude de se lever, s’organiser, travailler en équipe permet de reprendre confiance en soi. On apprend en faisant. On se remet en selle tout en acquérant le savoir-être requis en entreprise »

…pour pouvoir retrouver par la suite un véritable emploi.

A la vue des résultats, le concept semble fonctionner. Entre 60 et 70% d’entre eux reprennent le chemin de l’emploi, tant par l’obtention d’emplois de plus de 6 mois, voir même d’emplois à durée indéterminée, que par la création de leurs propre entreprise. Si les EE permettent aux chômeurs de se réinsérer dans le monde du travail, les jeunes ou des salariés souhaitant se réorienter, acquérir de l’expérience dans des conditions réelles, ou simplement prendre ou reprendre confiance en eux, peuvent aussi demander à s’entraîner dans ces entreprises d’entraînement.

Pour en savoir plus, des rencontres régionales ont lieu au mois de juin dans différentes régions de France (conf. le calendrier ci-dessous) au sein de structures tel que les GRETA ou les AFPA, ou encore les chambres des métiers.

Calendrier des rencontres régionales 2015 (source du tableau http://www.euroentent.net )