Royaume Uni : les travailleurs indépendants, plus pauvres qu'il y a 20 ans

PRECARITE – Selon une étude publiée le 18 octobre par The Resolution Foundation, un organisme de réflexion britannique, les travailleurs indépendants gagnent moins qu’il y a 20 ans au Royaume-Uni.

Ces données viennent relancer le débat sur la « gig economy », l’économie des petits boulots, pratiquée entres autres par Deliveroo, Uber ou encore TaskRabbit. Des petits boulots où les travailleurs seraient traités comme des salariés sans en avoir ni les garanties ni les avantages

Des travailleurs indépendants de plus en plus nombreux…

Le nombre de personnes exerçant à leur compte au Royaume-Uni a presque doublé de moitié depuis le début des années 2000 (+45%) pour atteindre les 4,8 millions soit 1 travailleur sur 7. Ce nombre est encore plus important à Londres où le taux de travailleurs indépendants s’élève à 18% des travailleurs, soit plus d’1 travailleur sur 6.

…avec des conditions d’emploi de plus en plus précaires

Depuis la crise, les travailleurs indépendants ont connu une forte baisse de leurs revenus et gagnent moins qu’il y a 20 ans. Ainsi que le montre le schéma, ci-dessous, le revenu médian hebdomadaire constaté pour 2014-2015 d’un montant de 240 livres sterling (environ 270 euros) est inférieur de 60 livres sterling (environ 67 euros) comparé à celui observé en 2001-2002 de 300 livres (environ 336 euros). Avec un revenu d’environ 300 livres observé en 1994/1995, les travailleurs d’emploi gagnent donc encore moins qu’il y a 20 ans.

Selon The Social Market Foundation, un autre think tank britannique, ils seraient environ 45%, soit 1,7 millions de travailleurs indépendants, à percevoir un revenu inférieur au salaire minimum national, soit moins de 8 euros (7.20 livres sterling) de l’heure. L’écart de revenus entre les salariés et les travailleurs indépendants ne cesserait de progresser et The SMF estime que le nombre de travailleurs indépendants sous-payés pourrait même atteindre 1,88 en 2020.

L’étude de The Social Market Foundation montre que cela n’a rien d’inhabituel de faire appel à des freelance dans certains secteurs, notamment dans le secteur des transports (17%), et qu’ils sont généralement payés un peu moins (59% d’entre eux gagnent moins que le revenu minimum national).

Beaucoup voient dans le développement de la « gig economy », l’essor du travail précaire, et pointent du doigt certains acteurs de l’économie collaborative comme Uber. Mais ce dernier explique que les conducteurs perçoivent une rémunération supérieure au salaire minimum national, et que les travailleurs ne sont pas du tout traités comme des salariés étant donné qu’ils sont libre de gérer leur emploi du temps selon leur convenance.

Les responsables politiques s’interrogent quand même sur les conditions d’emploi de ces travailleurs aux rabais, qui peuvent être utilisés par certaines entreprises en substitution de salariés afin de faire des économies. Adam Corlett, analyste économique pour « The Resolution Foundation » explique qu’il est urgent que les politiques publiques se penchent sur le sujet. Selon elle, il est difficile d’envisager dans un avenir proche que les revenus puissent revenir à un niveau d’avant crise. Même si le travail indépendant offre une plus grande marge de liberté et permettrait à beaucoup d’être plus heureux, c’est surtout un pis-aller pour masquer des conditions d’emploi de plus en plus précaires.

The Social Market Foundation recommande au gouvernement de soutenir les travailleurs indépendants notamment en leur donnant plus de poids, en minimisant l’écart fiscal entre les employés et les travailleurs indépendants afin de limiter le salariat déguisé, ainsi que la mise en place d’un portail d’informations pour aider les indépendants à connaître leurs droits et devoirs.

Sources
-Etude publiée le 18 octobre 2016 par “The Resolution Foundation”, intitulée The RF Earnings Outlook Q2 2016, / VERSION PDF : http://www.resolutionfoundation.org/wp-content/uploads/2016/08/RF-Earnings-Outlook-Briefing-Q2-2016.pdf

-Etude publiée le 18 octobre 2016 par The SMF, The Social Media Foundation, « Tough Gig: Tackling low paid self employment in London & the UK” par Nida Broughton et Ben Richards
PDF : http://www.smf.co.uk/wp-content/uploads/2016/10/Social-Market-FoundationSocial-Market-Foundation-Tough-Gig-Tackling-low-paid-self-employment-in-London-and-the-UK-Embargoed-0001-18102016.pdf ISBN: 978-1-910683-17-0