Corruption en régions : comment la combattre ?

RÉGIONS / CORRUPTION – Les 6 et 13 décembre 2015, les Français vont élire leurs nouveaux représentants en région. Les dernières lois renforcent le pouvoir des régions au niveau de leurs attributions et étendent leur périmètre d’action géographique. Une bonne manière d’intensifier les échanges et la démocratie au niveau local. Mais une telle proximité entre élus et citoyens n’est-elle pas sans dangers ?

Une autonomie accrue pour les régions

Les lois Defferre de 1982-1983, ainsi que la réforme constitutionnelle de 2003, montrent la volonté de décentralisation de l’Etat en redistribuant une partie de ses pouvoirs aux collectivités territoriales. La loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation de nouvelles régions étend considérablement le périmétrie d’action des régions, et la loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015 précise les attributions des régions : « le conseil régional a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région, le soutien à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine et le soutien aux politiques d’éducation et l’aménagement et l’égalité de ses territoires, ainsi que pour assurer la préservation de son identité et la promotion des langues régionales, dans le respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des départements et des communes ».

Des pouvoirs importants, notamment, au niveau du développement économique, de la formation et de l’emploi

Aides financières. La région a « la compétence exclusive pour définir des régimes d’aides et pour décider de l’octroi des aides aux entreprises dans la région ».

Au cœur du développement économique. La région doit aussi animer les pôles de compétitivité, c’est à dire faciliter le rapprochement des entreprises, des centres de recherche et des organismes de formation, afin de développer des synergies. La région doit définir un SRDEII, un Schéma Régional de Développement Economique, d’Innovation et d’Internationalisation, pour définir et préciser les orientations en matière d’aides aux entreprises, de soutien à l’internationalisation, d’aides à l’investissement immobilier, d’aides à l’innovation et les orientations relatives à l’attractivité du territoire régional.

Participation à la coordination de l’emploi. La région ne va pas gérer l’organisation même du service public de l’emploi mais devra quand même participer à la coordination des acteurs du service public de l’emploi sur son territoire et ce, sans pour autant empiéter sur les prérogatives de l’État.

Enseignement supérieur, recherche et innovation. L’article L 214.2 du code de l’éducation dispose que « la région coordonne… les initiatives territoriales visant à développer et diffuser la culture scientifique, technique et industrielle, notamment auprès des jeunes publics, et participe à leur financement ». La région doit aussi mettre en place un schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation afin de définir les orientations de la région et « ses priorités d’interventions ».

Est-il possible d’éviter la corruption d’élus ou de fonctionnaires de la région peu scrupuleux ?

Multiplication des inégalités et développement du clientélisme. En théorie, une plus grande autonomie accordée aux régions ne peut être que bénéfique à la communauté et au citoyen. Le pouvoir, décentralisé, intensifie les échanges locaux, stimule les énergies locales et dynamise la collectivité. La décentralisation est un bon moyen de résoudre les conflits culturels en favorisant les spécificités identitaires et sociales. Les régions peuvent assurer une démocratie, locale, plus horizontale, et au plus près des intérêts personnels de chaque concitoyens. Mais, en pratique, cette proximité entre élus et citoyens, entre décideurs et « lobbies » locaux, ne peut-elle pas léser le citoyen ? Par exemple, en matière d’emploi et de formation. la tentation est assez grande pour un élu, ou pour un fonctionnaire de la région, de favoriser tel ou tel centre de formation plutôt qu’un autre, ou, d’allouer une aide financière à telle ou telle entreprise du simple fait de son appartenance politique, de son réseau d’influence, ou bien même du sexe ou de la couleur de peau du(de la) dirigeant(e). La plupart des élus, et des fonctionnaires, feront, bien sûr, au mieux pour respecter une certaine éthique et exercer leurs missions dans l’intérêt des citoyens. Mais il y a toujours des exceptions.

Un contrôle assez limité des élus et des fonctionnaires.
Le contrôle de l’état sur les actes de la région reste assez restreint. En dehors du contrôle de la légalité, qui permet au préfet de saisir le juge administratif pour les actes qu’il estime illégaux, celui-ci ne se prononce en aucun cas sur l’opportunité ou la moralité des actions de la région.

La Charte européenne de la démocratie régionale dans son article 20.2 à propos du contrôle de l’action des collectivités ajoute la notion d’opportunité des actes. « Le contrôle de la mise en œuvre des pouvoirs délégués ou des tâches d’exécution qui leurs sont confiés peut inclure une appréciation de l’opportunité et de l’efficacité ».

Le projet de loi sur la déontologie des fonctionnaires adopté le 07 octobre 2015 par l’assemblée nationale qui vise notamment à mieux lutter contre les conflits d’intérêts, et qui complétè la loi du 13 juillet 1983 sur les droits et obligations des fonctionnaires, pourrait faire un peu avancer les choses. Il mentionne, entres autres, que le fonctionnaire doit veiller « à faire cesser immédiatement ou à prévenir les situations de conflit d’intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver ». Le texte vise aussi une certaine transparence : « pour occuper certains postes, définis par une liste établie par décret, des déclarations d’intérêt et de patrimoine devront être transmises ». Le projet de loi encourage aussi les fonctionnaires à respecter la déontologie : « le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité ». Il est également « tenu à l’obligation de neutralité ». Il doit aussi s’abstenir de manifester « ses opinions religieuses » et doit traiter « de façon égale toutes les personnes ». Le rôle de la Commission de déontologie a aussi été renforcé.

Bon à savoir : si vous avez besoin d’un appui dans une action contre la corruption , l’association Transparency International France qui s’efforce de lutter contre la corruption peut vous apporter son expertise.