Les cinq ordonnances publiĂ©es au Journal Officiel le 23 septembre 2017 ont pour ambition de rĂ©nover le modèle social existant. L’idĂ©e gĂ©nĂ©rale Ă©tant d’apporter plus de flexibilitĂ© aux entreprises mais aussi de redynamiser et sĂ©curiser le parcours de vie des travailleurs. Â
Certaines ordonnances sont déjà en vigueur, d’autres nécessitent encore des décrets d’application. La plupart des ordonnances, devraient être en vigueur d’ici le 01 er janvier 2018. Dans tous les cas, le projet de loi par ordonnance, ne confère aux ordonnances, qu’une valeur réglementaire, et doit encore être ratifié par le Parlement dans les 3 mois de la signature.
Négociation directe avec l’employeur par la voie du  référendum
►Une solution motivante et pragmatique…
Dans les entreprises de moins de 11 salariés. Les Très Petites Entreprises (TPE) ne disposent généralement pas de représentants. La nouveauté de cette réforme, c’est que votre employeur pourra négocier directement avec ses salariés à l’occasion d’un référendum d’entreprise. Si les 2/3 des salariés approuvent l’accord, il sera alors validé.
L’accord pourra traiter de tous sujets en lien avec la nĂ©gociation d’entreprise tels que votre rĂ©munĂ©ration, votre temps de travail ou l’organisation de votre travail. Vous pourrez, par exemple, vous mettre d’accord pour l’obtention d’une prime pour garde d’enfants ou une prime pour l’innovation plutĂ´t qu’une prime d’anciennetĂ©, nĂ©gocier un 13ème mois etc… Les accords dĂ©terminant de nouvelles conditions de mobilitĂ© professionnelle ou gĂ©ographique, amĂ©nageant la durĂ©e du travail, ainsi que la rĂ©munĂ©ration, doivent « rĂ©pondre aux nĂ©cessitĂ©s liĂ©es au fonctionnement de l’entreprise » ou ĂŞtre signĂ©s « en vue de prĂ©server, ou de dĂ©velopper l’’emploi ». Au besoin, des organisations syndicales dĂ©partementales pourront ĂŞtre consultĂ©es pour obtenir des conseils avisĂ©s avant d’effectuer toute nĂ©gociation avec l’employeur.Â
Cette possibilité sera aussi ouverte aux entreprises de moins de 20 salariés s’ils n’ont pas d’élus du personnel (même si en théorie, la mise en place de délégués du personnel est obligatoire à partir d’un effectif de 11 salariés atteint pendant 12 mois consécutifs ou non, au cours des 3 années précédentes).
Dans les entreprises ayant une ou plusieurs organisations syndicales, c’est la règle de l’accord majoritaire qui prime : tout accord, pour ĂŞtre valable, doit ĂŞtre signĂ© par les syndicats reprĂ©sentant au moins 50% des suffrages exprimĂ©s aux dernières Ă©lections professionnelles. Cependant, si l’accord n’obtient pas les 50% mais qu’il a quand mĂŞme Ă©tĂ© signĂ© par des syndicats ayant obtenu 30% aux dernières Ă©lections, l’employeur peut faire valider l’accord en organisant une consultation avec ses salariĂ©s, par exemple par voie Ă©lectronique, Ă condition que celle-ci ne rencontre pas l’opposition de l’ensemble des syndicats signataires.
Ces dispositions s’appliquent, dès Ă prĂ©sent, aux accords collectifs portant sur la durĂ©e du travail, les repos et les congĂ©s, ainsi que ceux mentionnĂ©s Ă l ‘article L 2254-2 du code du travail (amĂ©nagement de la durĂ©e du travail, amĂ©nagement de la rĂ©munĂ©ration, dĂ©termination des conditions de mobilitĂ©s professionnelle ou gĂ©ographique), mais ils pourront s’appliquer Ă compter du 1er mai 2018 Ă tous les autres accords collectifs.
►…à condition que les salariés soient réellement libres d’exprimer leur choix
Certes le rĂ©fĂ©rendum en entreprise permet de nĂ©gocier rapidement et de manière pragmatique, en Ă©tant au plus près des intĂ©rĂŞts de l’employeur et des salariĂ©s. La nĂ©gociation directe des primes peut ĂŞtre bĂ©nĂ©fique pour les salariĂ©s. Par exemple, remplacer la prime d’anciennetĂ© par une prime sur l’innovation peut motiver le salariĂ© en l’incitant Ă s’investir encore davantage. Cependant il est assez aisĂ© de percevoir le principal Ă©cueil d’une telle mesure. Face Ă leur employeur, et dans un environnement fonctionnement parfois en quasi vase clos, il peut s’avĂ©rer bien difficile pour des salariĂ©s de ne pas voter dans le sens souhaitĂ© par ce dernier. Concrètement, ce type de rĂ©fĂ©rendum pourrait revenir en pratique Ă une dĂ©cision unilatĂ©rale prise par l’employeur sous le couvert d’un simulacre de rĂ©fĂ©rendum.
Préservation des fondamentaux (Smic, durée légale du congé maternité etc…)
Certains domaines relèvent toujours du domaine de la loi, et aussi des branches. Par exemple, le SMIC, la lutte contre les discriminations, la durée légale du travail (35h), ou encore les salaires minima hiérarchiques précisés par les branches, ne pourront pas être remis en cause par des accords d’entreprise.
La mutuelle, la prévoyance, la période d’essai, les salaires minima, l’égalité professionnelle hommes femmes , les modalités de renouvellement de CDD (accord étendu) relèvent des accords de branche. Mais si votre entreprise le souhaite, elle peut négocier sur ces sujets à condition de proposer des mesures au moins aussi favorables que celles décidées en branche, en offrant des « garanties au moins équivalentes » que ces dernières.
La durée légale d’un congé maternité reste, lui aussi, inchangé ( 6 semaine avant l’accouchement et 10 semaines après l’accouchement) et ne pourra pas en aucun cas être revu à la baisse. Par contre, un accord d’entreprise pourra mettre fin aux jours de congés supplémentaires accordés par certaines branches. Par exemple, dans le secteur des banques où les salariés peuvent obtenir 45 jours de congé maternité supplémentaire en conservant 100% de leur salaire, un accord d’entreprise pourrait très bien revoir à la baisse cet avantage. Mais en l’absence d’accords d’entreprise sue le sujet, ce sont bien les accords de branche qui continuent de s’appliquer en la matière. Il est probable, qu’en pratique, les jours supplémentaires de congés, soient plutôt revus à la baisse, aun niveau des petites structures.
Embauches facilitées, priorité à  l’embauche
â–şPlus de renouvellements de CDD
Les modalités de renouvellement des contrats à durée déterminée (CDD), relevaient jusqu’à présent de la loi, mais avec la réforme du travail, les modalités de renouvellement des CDD seront, à présent, décidés au niveau des branches. Elles pourront ainsi définir un nouveau délai de carence, définir une durée globale plus longue, ou bien augmenter le nombre de renouvellement possibles en CDD. Jusqu’alors, le nombre de renouvellement autorisés par la loi était de 2 sur une période de 18 mois maximum, les branches pourront décider dans des secteurs donnés, passer de 2 à 10 par exemple, le nombre de renouvellement autorisés. Néanmoins, Il reste toujours possible de négocier au niveau de l’entreprise si cette dernière propose des « garanties au moins équivalentes ». L’appréciation des « garanties équivalentes » restant encore à préciser.
►Développement des CDI de chantier  / priorité à l’embauche
Utilisé couramment dans le bâtiment, le contrat de travail chantier peut à présent être étendu à d’autres secteurs à condition que les branches décident de l’autoriser pour un secteur donné (accord étendu). Le contrat de chantier est un contrat dont le terme n’est pas encore connu. Le contrat se termine à la fin d’une mission donnée, donc à une date, de toute évidence, encore inconnue. La clause « de chantier » inclue dans le contrat permet à l’employeur de motiver la rupture de votre contrat et lui évite ainsi un licenciement dit abusif.
Un CDI de chantier ne donne pas droit à la prime de précarité, réservée aux CDD. En revanche, avec un CDI de chantier vous pourrez obtenir des indemnités compensatrices de préavis, ainsi que des indemnités compensatrices de congés payés, et percevoir des indemnités de licenciement en fonction de votre ancienneté. Vous aurez aussi droit à l’allocation chômage. Dans le bâtiment, à la fin de votre contrat, votre employeur doit essayer de vous replacer s’il y a d’autres missions, si ce n’est pas possible dans tous les cas, vous bénéficiez aussi d’une priorité à l’embauche. Selon votre secteur, les branches qui décident d’autoriser le recours à ce type de contrat devront préciser les modalités de mise en place et les contreparties octroyées.
Pour le moment, les CDI de chantier ne sont utilisés que dans le bâtiment, mais ce type de contrat pourrait intéresser bien d’autres secteurs comme par exemple celui de l’informatique. Par exemple, les SS2I, qui recrutent leurs salariés sur des projets, la plupart du temps, sans durée déterminée à l’avance, pourraient être tentés de recourir à ce type de contrat. A mi chemin entre le CDD et le CDI, ce type de contrat reste moins satisfaisant qu’un CDI classique. Au-delà de la sécurité de l’emploi de ce dernier, il ne faut pas oublier que l’obtention d’un CDI classique permet aussi bien souvent de contracter un prêt auprès des organismes bancaires. Sachant que 92% des crédits immobiliers concernent des personnes en CDI sans clause chantier, quel serait la réaction des banques face à des demandes de crédit émanant de salariés en CDI de projet ? Il est probable que certaines entreprises décident de conserver l’usage du CDI classique, sans clause de chantier, afin de conserver leurs talents au sein de leur société et ne pas courir le risque de les voir partir dans une autre société offrant des garanties meilleures.
Mise en place du compte professionnel de prévention (CPP)
Le compte personnel de prĂ©vention permet Ă un salariĂ© exposĂ© Ă des facteurs de pĂ©nibilitĂ© au travail d’acquĂ©rir des droits, notamment en matière de retraite et de formation. Le compte professionnel de prĂ©vention simplifie et remplace le compte de pĂ©nibilitĂ©. Les modalitĂ©s d’application feront l’objet de dĂ©crets Ă venir.
Vous pourrez bénéficier, de droit, d’une retraite anticipée dans ces six cas de figure :
- Activités en milieu hyperbare
- Travail de nuit
- Travail en Ă©quipes successives alternantes
- Travail répétitif
- Températures extrêmes
- Bruit
Ainsi, si par exemple, vous travaillez dans le bâtiment et que votre entreprise n’a pas pris de mesures de prévention contre le bruit, vous pourrez bénéficier, de droit, de ces avantages.
Par contre, vous devrez faire reconnaître l’existence d’une maladie professionnelle représentant une incapacité permanente de plus de 10% pour les cas suivants :
- Manutentions manuelles de charges
- Postures pénibles (positions forcées des articulations)
- Vibrations mécaniques
- Agents Chimiques Dangereux (C. Trav., art. R. 4412-3 et R. 4412-60 y compris poussières et fumées)
A lire aussi : RĂ©forme du travail (et rĂ©forme de l’assurance chĂ´mage Ă venir) : 5 mesures favorables aux salariĂ©sÂ
Sources : Ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la nĂ©gociation collective / Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative Ă la nouvelle organisation du dialogue social et Ă©conomique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilitĂ©s syndicales / Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative Ă la prĂ©visibilitĂ© et la sĂ©curisation des relations de travail / Ordonnance n° 2017-1388 du 22 septembre 2017 portant diverses mesures relatives au cadre de la nĂ©gociation collective/ Ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 relative Ă la prĂ©vention et Ă la prise en compte des effets de l’exposition Ă certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prĂ©vention
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